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Les grandes banques alimentent l’effondrement de la biodiversité à hauteur de 395 milliards de dollars depuis l’accord de Paris ; les gouvernements ne parviennent pas à maîtriser les banques

De nouveaux rapports révèlent l’augmentation du financement des secteurs destructeurs et soulignent l’urgence d’une réglementation du secteur financier pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de biodiversité.

San Francisco, Californie – Alors qu’approche l’importante Convention de la COP 16 sur la diversité biologique (CDB), de nouvelles études et analyses publiées aujourd’hui par la Coalition Forêts et Finance –– un groupe de 10 organisations internationales de la société civile qui inclut Rainforest Action Network, TuK Indonesia, Profundo, Amazon Watch, Repórter Brasil, BankTrack, Sahabat Alam Malaysia, Friends of the Earth US, Milieudefensie et CED Cameroon –– révèle que les plus grandes banques mondiales ont accordé plus de 395 milliards de dollars de crédit à des secteurs qui favorisent la déforestation et les violations des droits humains dans les forêts tropicales, depuis l’adoption de l’Accord de Paris, avec 77 milliards de dollars de crédit pour la seule période d’analyse la plus récente (janvier 2023 à juin 2024). Des analyses plus approfondies démontrent aussi que les gouvernements du monde font peu pour endiguer le mouvement, et ce malgré l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) il y a presque deux ans. L’étude souligne l’urgence d’adopter des mesures de régulation robustes pour aligner les pratiques financières sur les objectifs globaux en matière de biodiversité.

“Les gouvernements s’endorment au volant alors que les banques du monde continuent de financer la destruction des forêts et les violations des droits humains, sans restriction ni conséquence”, déclare Tom Picken, directeur de la campagne Forêts et finance pour Rainforest Action Network (RAN). “À l’approche de la COP16 de la CDB, il est plus que temps de mettre en place des actions transformatrices. Le véritable « déficit de financement » pour la conservation est en fait un déficit de réglementation pour empêcher les banques et les investisseurs d’alimenter sciemment la crise de la biodiversité.”

Le deuxième rapport annuel Parier sur l’effondrement de la diversité fournit l’analyse la plus complète du rôle de la finance mondiale dans la poursuite de la destruction des forêts tropicales. Le rapport passe en revue les banques et les investisseurs qui proposent des financements à 300 entreprises qui ont des opérations dans six secteurs de matières première à risque pour la forêt –– boeuf, huile de palme, pâte à papier, caoutchouc, soja et bois de construction  –– et qui sont responsables de la majeure partie de la déforestation tropicale, de la perte de biodiversité et des violations des droits humains en Asie du Sud-Est, en Amérique latine, en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest.

Publié en même temps qu’un second rapport intitulé Réguler la finance pour la biodiversité, ces deux publications soulignent que la majorité des financements proviennent du Brésil, de la Chine, de l’Indonésie, de l’UE et des États-Unis et que le renforcement des réglementations financières dans ces cinq pays et régions aurait un impact critique sur le problème. En outre, des réglementations gouvernementales sont nécessaires face à l’échec des initiatives volontaires des banques : plus de la moitié des 30 banques les plus à risque pour les forêts sont membres d’au moins une initiative de développement durable, telle que les Principes pour une banque responsable, l’Alliance bancaire zéro émission nette et le Groupe de travail sur les informations financières liées à la nature (TNFD).

Il est inquiétant de constater que le TNFD soit présenté lors de la COP16 de la CDB comme une solution à la crise de la biodiversité, alors qu’il est incompatible avec les objectifs du CMB 2030. Le TNFD permet aux entreprises de choisir les aspects de la biodiversité dont elles rendent compte et a été élaboré par certaines des entreprises qui sont à l’origine de la destruction de l’environnement.

« Près de la moitié des 40 entreprises qui composent l’organe de décision du TNFD font l’objet de graves préoccupations en matière d’environnement et de droits humains, et certaines font même l’objet de plaintes dans le cadre des mécanismes de l’OCDE, de poursuites judiciaires, figurent sur les listes d’exclusion des investisseurs ou ont versé des millions en raison d’atteintes à l’environnement », déclare Danielle van Oijen, coordinatrice du programme sur les forêts à Milieudefensie. “La mainmise du TNFD sur la CDB doit cesser maintenant et toute référence au TNFD doit être supprimée des textes.”

Alors que les incendies de forêt alimentés par la sécheresse font rage dans la forêt amazonienne pendant l’une des pires saisons des incendies jamais enregistrées, le rapport Le pari sur l’effondrement de la biodiversité explique en détail comment JBS, la plus grande entreprise de transformation de viande au monde, a contribué à la dévastation de terres indigènes en Amazonie, et ce grâce aux crédits de 1,1 milliard de dollars accordés par de grandes institutions financières. Malgré ses engagements en matière de pratiques éthiques, JBS continue de perpétuer la déforestation et les violations des droits humains.

Au lieu de rendre des comptes, des entreprises comme JBS, responsables de la destruction des forêts et de la violation des droits humains, sont récompensées par des millions de dollars de financement. « La gouvernance des chaînes d’approvisionnement en matières premières est encore très fragile. En l’absence de changements, les violations des droits et la destruction des biomes se poursuivront », affirme Marcel Gomes, secrétaire exécutif de Repórter Brasil.

« Malgré leur participation à de nombreuses initiatives bancaires volontaires sur la nature et la biodiversité, les banques commerciales continuent de financer des entreprises qui détruisent activement la vie sur Terre. Les initiatives volontaires ne conduiront pas aux changements nécessaires pour stopper et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030 – nous avons besoin d’une réglementation qui oblige les banques à cesser de financer la déforestation », déclare Ola Janus, responsable de la campagne Banques et nature chez BankTrack.

« Les décideurs politiques doivent appliquer des réglementations financières plus strictes pour garantir que les flux financiers et les investissements ne contribuent pas à la dégradation de l’environnement et aux violations des droits humains, et qu’ils entreprennent au contraire une transition juste vers des solutions durables, menées par les communautés, qui protègent les écosystèmes et favorisent un développement équitable », explique Jeff Conant, responsable principal du programme international sur les forêts pour Friends of the Earth US.